L’action d’une association : l’inventaire de la Petite Ceinture de Paris

, par Bruno Bretelle

Cet article fut présenté dans le cadre de la journée d’études « Faire l’inventaire du patrimoine ferroviaire : expériences et méthodes », organisée par l’AHICF (Association pour l’Histoire des Chemins de Fer en France) et la Direction de l’architecture et du patrimoine, Ministère de la Culture et de la Communication (Mission inventaire général du patrimoine culturel), le mercredi 22 octobre 2008.

 1- Présentation de l’Association

L’Association pour la Sauvegarde de la Petite Ceinture de Paris et de son Réseau Ferré (ASPCRF) est une association d’intérêt général, à but non lucratif, régie par la Loi de 1901. Elle a été fondée fin 1992 dans le but de promouvoir la préservation et la réutilisation ferroviaire de la ligne de Petite Ceinture de Paris, aujourd’hui en grande partie sous-utilisée. Ainsi, l’association a notamment milité pour le prolongement du tramway T2 sur la Petite Ceinture, au Sud de Paris.
Dans le cadre de la remise en service de la Petite Ceinture ferroviaire, nous sommes favorables à l’implantation d’un matériel tramway, de type tram-train notamment, qui répondrait à la demande voyageurs actuelle, tout en souhaitant le maintien intégral de cette infrastructure ferroviaire au gabarit UIC (Union Internationale des Chemins de Fer), afin de ne pas obérer son avenir ferroviaire, permettant ainsi le passage de tout type de matériel ferroviaire à plus longue échéance. Ainsi, nous ne sommes donc pas attachés à l’exclusivité d’un seul type de matériel roulant à terme.
A différentes reprises, l’association a organisé, à destination du grand public, des circulations ferroviaires de découverte de la ligne, notamment en juillet 1993 sur la Petite Ceinture Sud, puis 1999, 2000 et 2003 sur les tronçons Nord et Est de la ligne.

Par ailleurs, même si ce point ne fait partie de l’objet de l’association, celle-ci suit le projet de mise en service d’un trafic de fret léger permettant de limiter le nombre de poids lourds entrant dans Paris, actuellement étudié par la SNCF et RFF. En effet, cette initiative permettrait de moderniser la ligne et faciliterait ainsi la remise en service d’un transport en commun de voyageurs.

 2- Histoire du chemin de fer de Petite Ceinture de Paris

Depuis sa construction durant le Second Empire, le chemin de fer de Petite Ceinture a marqué l’histoire et la mémoire parisienne. Construite entre 1852 et 1869, elle fut initialement destinée au trafic marchandises, à l’exception de la ligne d’Auteuil située à l’Ouest de Paris, construite par les Frères Péreire afin de desservir les lieux de villégiature de la bourgeoisie parisienne durant le Second Empire. La Petite Ceinture constitua ainsi le premier chemin de fer urbain parisien, en ce sens précurseur du métro. Elle était gérée par la compagnie du Chemin de fer de Ceinture, une société anonyme administrée par un syndicat de dix membres représentant les cinq compagnies privées de chemins de fer dont les voies pénétraient dans Paris [Car1991].
La Petite Ceinture connut un important trafic de voyageurs au début du XXe siècle : elle transporta trente-neuf millions de personnes en 1900, année de l’Exposition Universelle. Le nom de cette ligne tient au fait qu’elle faisait le tour complet de Paris. Elle était alors longue de trente-cinq kilomètres et comportait vingt-neuf stations et était raccordée à toutes les voies ferrées pénétrantes dans Paris, ce qui permettait de faire partir ou arriver des trains de voyageurs de ou vers une grande gare parisienne. Deux gares jouaient le rôle de tête de lignes, si l’on peut les appeler ainsi dans une ligne circulaire : Courcelles-Ceinture, située dans le 17earrondissement près de la porte d’Asnières, et la gare du Nord.

La Petite Ceinture et ses gares en 1900 (trait gras)
Cliquer pour agrandir. Source : Paul Joanne. Paris en 8 jours. Page XXVII. Collection « Les guides illustrés ». Librairie Hachette, 1921.

La durée du trajet complet était d’une 1h30mn, voire d’1h20mn en service accéléré. Aux heures de pointe, la fréquence de desserte descendait à un train toutes les dix minutes dans chaque sens. Durant les années d’apogée du trafic, autour de 1900, le trafic fut très important : cinq cent soixante six circulations en moyenne par jour, dont cent quatre-vingt seize trains circulaires de voyageurs doublés de deux cent douze trains sur la ligne d’Auteuil, dix trains grandes lignes de jonction entre les gares du Nord et de Lyon, ainsi que cent quarante-huit trains de marchandises.
Mais au tournant du siècle, le contexte, jusqu’alors favorable au développement du trafic urbain de voyageurs sur la Petite Ceinture, se retourna. La mise en service des premières lignes de métro, plus centrales et dotées de rames automotrices plus modernes que les rames de voitures en bois tractées par des locomotives à vapeur, entraîna une baisse progressive de la fréquentation des voyageurs sur la Petite Ceinture. Cette baisse fut mise à profit par le Syndicat des Ceintures, l’exploitant de la ligne, pour diminuer le nombre de circulations voyageurs et augmenter ainsi le nombre de circulations de trains de marchandises. En effet, le Syndicat des Ceintures était le fruit de l’association des compagnies privées de chemin de fer qui existèrent en France jusqu’à la création de la SNCF, en 1938. Pour ces compagnies, le transport de marchandises était beaucoup plus lucratif qu’un service urbain de voyageurs. En décroissance continue, le service urbain de voyageurs fut finalement arrêté le 22 juillet 1934 puis remplacé dès le lendemain par une ligne de bus dont le nom perpétue la mémoire du service ferroviaire : PC pour Petite Ceinture. Cette ligne emprunte encore aujourd’hui les boulevards des Maréchaux, sauf aux endroits où elle a été remplacée par une ligne de tramway.
À la fin des années Cinquante, la Petite Ceinture voit disparaître une partie de son emprise avec la démolition des viaducs d’Auteuil, qui permettait de relier les 15eet les 16earrondissements, en franchissant la Seine au niveau de la station « Boulevard Victor » de la ligne C du RER, et du Point du Jour, qui était le prolongement du précédent jusqu’à la porte d’Auteuil situé au milieu du boulevard Exelmans.
Depuis sa fermeture en 1934, la Petite Ceinture n’a plus vu passer de voyageurs urbains, sauf sur la ligne d’Auteuil, entre les stations Auteuil Boulogne et Pont Cardinet, qui a fonctionné jusqu’en 1985 avant d’être en partie intégrée à la ligne C du RER en 1988. La section Auteuil Boulogne-avenue Henri Martin est depuis abandonnée, les rails déposés durant l’été 1993, avant d’être revendue à la Ville de Paris en 2009. Un « sentier nature » a été ouvert au public en janvier 2008 entre les gares (préservées) de Passy-la Muette et d’Auteuil-Boulogne. Sur les autres sections, le trafic fret resta important jusque dans les années Quatre-Vingt sur les sections Est, entre Évangile et Bercy, et Sud, entre le boulevard Masséna et le boulevard Victor, desservant les différentes gares marchandises jalonnant la ligne. Le trafic fret fut interrompu sur ces deux tronçons au début de l’année 1993. Jusqu’à cette date, des circulations de trains vides, ainsi que les allers-retours quotidiens des grands trains de nuit tel le Napoli Express, eurent lieu sur la section Est, entre les gares du Nord et de Lyon.

 3- Visages actuels de la Petite Ceinture

La Petite Ceinture aujourd’hui. Hormis le RER C à l’Ouest, 23 km de voie ferrée sous-utilisés (trait rouge).

Depuis 1993, les sections Est et Sud ne connaissent aucun trafic régulier. La section Nord, entre Évangile et les Batignolles, est toujours ouverte au trafic, notamment pour des échanges de locomotives entre les réseaux des gares Saint-Lazare, du Nord et de l’Est. Le pont National, jonction entre les sections Est et Sud de la Petite Ceinture, mais aussi entre les gares de Lyon et d’Austerlitz, est actuellement inutilisé en raison des travaux de la ZAC Paris Rive Gauche. Sa reconstruction avec mise en tunnel est en cours et sa remise en service est prévue une fois terminés les travaux d’aménagement de ce quartier.
Aujourd’hui, malgré la réduction de son activité ferroviaire, la ligne subsiste en continu entre le boulevard Victor, dans le 15earrondissement, et la Porte de Clichy, dans le 17earrondissement. Les travaux de la ZAC Paris Rive Gauche ont entraîné la coupure provisoire de la ligne afin de permettre le prolongement de dalle et de l’avenue de France. Les habitants des quartiers périphériques de Paris la connaissent, souvent partiellement, comme une traversée de nature sauvage dans la capitale avec tantôt ses aspects verdoyants, tantôt ceux plus hostiles d’un terrain vague laissé aux détritus et aux marginaux. Mais son parcours est ponctué des marques de son patrimoine historique : ses gares souvent affectées à d’autres usages (restaurant en gare de Passy-La Muette, café-concert en gare de Charonne), ses ponts métalliques à rivets caractéristiques de l’industrie de la seconde moitié du XIXe siècle, comme celui du canal de l’Ourcq, ses longs tunnels, comme ceux de Belleville (mille cent vingt-quatre mètres), Charonne (mille trois cents mètres), ou de Montrouge (neuf cent quatre mètres), ses tranchées, comme celles qui traversent les parcs des Buttes Chaumont et de Montsouris.

 4- Motivations pour un inventaire de la Petite Ceinture

Depuis le transfert sur route en 1934 du service voyageurs de la Petite Ceinture, la mémoire de ce service a largement disparu dans l’imaginaire collectif, constituant ainsi une première vague d’oubli. Mais tant qu’une activité ferroviaire régulière existait, jusqu’en 1993, la Petite Ceinture était encore perçue comme une infrastructure ferroviaire jouant un rôle économique concret. L’arrêt de cette activité « a fait naître et évoluer une quantité étonnante de constructions symboliques différentes » [Baj2002] tend à recouvrir progressivement la fonction ferroviaire de la ligne. Ce phénomène, à mesure que les années passent, constitue une seconde vague d’oubli recouvrant la Petite Ceinture. Nous pouvons distinguer trois principaux facteurs qui alimentent aujourd’hui ces vagues :

 4.1- Un patrimoine partiellement détruit, dégradé et menacé

Si l’emprise de la Petite Ceinture ferroviaire subsiste dans sa grande majorité, elle a toutefois subie depuis la fin des années Cinquante une amputation de son patrimoine. Ont ainsi disparu le viaduc d’Auteuil, qui reliait la Porte d’Auteuil au 15earrondissement et plusieurs bâtiments voyageurs, comme Belleville-Villette, Ménilmontant, Parc Montsouris, ou Claude Decaen. Au total, sur les vingt-neuf stations d’origine, treize ont déjà été détruites. Les stations de l’ancienne ligne d’Auteuil, en activité jusqu’en 1985 puis partiellement intégrée à ligne C du RER en 1988, n’ont pas connu de dommages particuliers. Les destructions de bâtiments voyageurs se sont donc concentrées sur le Nord, l’Est et le Sud de Paris.

Le patrimoine au caractère plus industriel des gares marchandises et des embranchements a subi lui aussi de lourdes pertes : les gares de Belleville-Villette, Charonne-Marchandises et de La Glacière-Gentilly ont disparu, ainsi que les raccordements avec les abattoirs de la Villette et de Vaugirard. La gare marchandises des Gobelins fut entièrement remodelée dans les années Soixante-Dix pour être enterrée sous une dalle et des tours d’habitations.

La pénurie foncière de la capitale engendre de fortes convoitises sur les emprises et les bâtiments ferroviaires inutilisés ou sous-utilisés. La disparition des activités ferroviaires d’un certain nombre de gares marchandises parisiennes, comme la Glacière-Gentilly, Charonne-Marchandises, Les Batignolles ou Belleville-Villette, permettent de libérer une très grande superficie de terrains, au point d’autoriser la réalisation de nouveaux quartiers ou de grands espaces verts. Mais une approche visant à préserver des vestiges pertinents du patrimoine ferroviaire doit être systématiquement menée. Un inventaire du patrimoine bâti subsistant de la Petite Ceinture est donc nécessaire pour éviter des destructions inutiles.

Parmi les bâtiments préservés de la Petite Ceinture, certains ont été dégradés dans leurs qualités esthétique et architecturale, comme ceux de la station Montrouge-Ceinture, situé près de la Porte d’Orléans, de la station de l’Avenue de Saint-Ouen, près de la Porte de Saint-Ouen, ou encore de la station Ornano, près de la Porte de Clignancourt. Les façades de ces bâtiments ont été profondément modifiées, ou masquées sous des couches d’aménagement de faible qualité architecturale, faisant disparaître la fonction ferroviaire de ces bâtiments. De fait, dans l’esprit collectif, ces bâtiments sont perçus comme délaissés. Un inventaire de ces bâtiments est donc nécessaire pour favoriser leur réhabilitation.

 4.2- Une identité méconnue ou confondue avec l’ancienne ligne de la Bastille

La Petite Ceinture n’est pas toujours perçue comme un ensemble cohérent de sites ferroviaires (anciennes stations et gares marchandises) reliés par une ligne continue entre eux et au reste du réseau francilien, mais d’une manière fragmentée comme une voie ferrée perdue au milieu de quartiers parisiens.

Par ailleurs, la Petite Ceinture est souvent confondue avec l’ancienne ligne de la Bastille. Il est vrai que les deux lignes étaient raccordées entre elles et possédaient des caractéristiques architecturales similaires (notamment les tranchées et viaducs). Cette confusion favorise une réflexion en faveur d’une réplication, pour ne pas dire un prolongement, de la promenade plantée réalisée sur la partie parisienne de la ligne de la Bastille, sur la Petite Ceinture. Le côté verdoyant de ses talus fait que pour certains, la Petite Ceinture est déjà partiellement une coulée verte et n’appartient plus au patrimoine ferroviaire. Un inventaire de la Petite Ceinture est donc nécessaire pour préserver ce caractère de ligne de chemin de fer.

 4.3- Une difficile compréhension de l’effet « réseau » chez les décideurs politiques

Sans en conclure quoi que ce soit sur leurs compétences générales, force est de constater que les décideurs politiques connaissent souvent mal la Petite Ceinture, à l’instar de l’ensemble de la population francilienne. En effet, certains édiles ou candidats n’hésitent pas à affirmer que la voie ferrée n’existe plus, ou que la plate-forme est coupée définitivement sur les vingt-trois kilomètres compris entre la station de RER C boulevard Victor et la porte de Clichy, ou qu’il n’y a plus sur ces vingt-trois kilomètres la largeur suffisante pour faire circuler des trains sur deux voies parallèles.

Cette perception fausse engendre chez ces décideurs une attitude d’indifférence à la nécessité de préserver les éléments subsistants du patrimoine de la Petite Ceinture, étant donné que le site n’a plus d’identité ferroviaire. Pire, certains considèrent la Petite Ceinture comme un ensemble de simples terrains vagues délaissés, autrement dit une friche urbaine, ce qui bloque tout projet de préservation ou de réhabilitation de la Petite Ceinture nécessitant une vision d’ensemble de cette ligne. L’exemple des anciens bâtiments voyageurs est à cet égard significatif : dans le cadre de l’élaboration du Plan Local de l’Urbanisme, la Ville de Paris avait initialement inscrit la préservation de certains bâtiments voyageurs, mais pas d’autres, car elle ne percevait pas alors l’existence de la notion de réseau. Un inventaire de la Petite Ceinture est donc nécessaire pour mettre en évidence cet « effet réseau » ferroviaire.

 5- Pistes pour un inventaire de la Petite Ceinture

Pour pouvoir définir un inventaire qui couvre l’ensemble du tracé de la Petite Ceinture et relate son histoire, il faut à la fois chercher les traces du patrimoine de cette ligne au niveau local et confronter ce patrimoine avec les autres lignes de chemin de fer construites à la même époque en Île-de-France. Au niveau local, à l’échelle du quartier, sont concernés l’ancien bâtiment voyageur, le pont, la tranchée au coin de la rue ou en bas d’un immeuble. À ce niveau, l’intégration de la Petite Ceinture dans l’urbanisme et l’histoire du quartier sont à prendre en compte. Au niveau régional, à l’échelle de l’agglomération francilienne, les connexions entre la Petite Ceinture et l’ensemble du réseau ferroviaire francilien sont à prendre en compte. Ce niveau souligne l’ « effet réseau », c’est à dire la présence de la ligne comme un élément constitutif d’un ensemble cohérent sur les plans géographique et historique.

À chacun de ces niveaux d’inventaire, il est possible d’associer un ensemble d’acteurs : institutions régionales ou locales, associations, gestionnaires ou exploitants de l’infrastructure. Afin d’illustrer la coexistence de ces deux niveaux d’inventaire et de ces de ces deux niveaux d’acteurs, nous prendrons comme exemples le projet, en cours, de réhabilitation du bâtiment voyageur de l’ancienne station Montrouge-Ceinture, située près de la Porte d’Orléans, ainsi que l’organisation de circulations de trains spéciaux de découverte.

 5.1- Étude de cas : préservation et réhabilitation de la station Montrouge-Ceinture

Fermée aux voyageurs en juillet 1934, la station Montrouge-Ceinture, située à proximité de la Porte d’Orléans, fait l’objet depuis 2007 d’une menace de démolition suite à la mise en vente du bâtiment par la SOVAFIM (société publique chargée de la vente des biens de l’État). L’importante mobilisation du conseil de quartier Jean Moulin-Porte d’Orléans, d’associations locales et du Conseil du 14e arrondissement ont permis le dépôt d’une demande d’examen de l’intérêt de préserver ce bâtiment auprès de la Commission du Vieux Paris. Cet examen a permis de dépasser une analyse purement locale au bénéfice d’une analyse à l’échelle de l’ensemble de la Capitale. Notre Association, l’ASPCRF, ainsi que l’AHICF et la Direction de l’architecture et du patrimoine du Ministère de la Culture, ont mis avant la nécessité d’apporter des mesures de protections pour les autres bâtiments voyageurs de la Petite Ceinture manifestement oubliés lors de l’élaboration du Plan Local de l’Urbanisme et ne bénéficiant, de fait, d’aucune mesure conservatoires. Ces bâtiments sont les suivants :

  • Montrouge-Ceinture (14e), à proximité de la porte d’Orléans,
  • Boulevard Ornano (18e), à proximité de la porte de Clignancourt,
  • Avenue de Saint-Ouen (18e), à proximité de la porte de Saint-Ouen,
  • Pont de Flandre (19e), à la sortie de la station de métro Corentin Cariou.

Suite au vœu de la Commission du Vieux de Paris, le Conseil de Paris a émis, en date des 20 et 21 octobre 2008, un avis favorable à l’engagement par le Maire de Paris d’une procédure de modification du Plan Local de l’Urbanisme visant à sauvegarder les quatre bâtiments concernés. L’action engagée auprès de la Commission a donc permis de dépasser l’échelle strictement locale au bénéfice de l’échelle parisienne.

 5.2- Étude de cas : protocole d’accord Ville de Paris – Réseau Ferré de France

La signature, en juin 2006, d’un protocole d’accord d’une durée de cinq ans entre la Ville de Paris et Réseau Ferré de France constitue la première étape d’une meilleure synergie entre ces deux entités administratives. Cette signature permet pour la première fois d’étudier la valorisation de la Petite Ceinture dans sa globalité (« effet réseau ») et non plus pour un secteur géographique particulier (« effet quartier »). Elle affirme ainsi ainsi l’appartenance de cette emprise au réseau ferré national et son caractère linéaire. Pour être appliqué, ce protocole nécessite de faire le point sur l’état du patrimoine de la Petite Ceinture et les possibilités qu’il offre à l’échelle de la ligne entière. Autrement dit, il rend nécessaire d’entreprendre un inventaire de ce patrimoine.

 5.3- Étude de cas : circulation de trains spéciaux de découverte

Nous avons vu précédemment que l’inventaire du patrimoine de la Petite Ceinture peut être motivé par l’idée de préserver ce patrimoine. Il peut être également motivé par l’idée de faire vivre ce patrimoine. Dans le même ordre d’idée, Il est peu pertinent d’organiser, de sauvegarder des fonds d’archives si l’on ne s’en sert pas. La volonté de Réseau Ferré de France de préserver cette infrastructure pour une utilisation ferroviaire à long terme n’est possible que si une mise en valeur ferroviaire intervient à court terme. La reprise des circulations touristiques est donc une nécessité pour faire vivre et valorisé ce patrimoine identifié qu’est la Petite Ceinture. Á cette fin, notre association, l’ASPCRF, a déjà organisé des trains spéciaux de découverte de la Petite Ceinture en 1993 puis en 1999, 2000 et 2003. La remise à niveau de l’infrastructure, propriété de Réseau Ferré de France, est un préalable au retour de cette activité ferroviaire touristique. Des réflexions sont en cours sur l’organisation de circulations régulières de rames historiques du Métropolitain de Paris (matériel Sprague-Thomson) sur la section Sud de la Petite Ceinture. Une telle initiative permettrait d’établir une véritable synergie entre des éléments phares du patrimoine ferroviaire parisien : le chemin de fer Métropolitain et la Petite Ceinture.

C’est d’ailleurs via la Petite Ceinture que les Compagnies du Chemin de fer Métropolitain de Paris et du Nord-Sud, puis la RATP, ont reçu des générations de rames de métro grâce aux raccordements entre la Petite Ceinture et les ateliers du Métropolitain de Charonne et de Vaugirard. Même les essais du matériel roulant automatique de la ligne 14 (Météor) furent effectués, entre 1994 et 1998, sur une base d’essai située..sur la Petite Ceinture !

Ces deux réseaux, en apparence indépendants, ont donc une histoire commune encore méconnue.

 6- Conclusion

En conclusion, une réelle prise de conscience de la notion de réseau semble renaître concernant la Petite Ceinture, après une période d’ « identité fragmentée » (à l’échelle des quartiers) liée à la disparition progressive du trafic à partir de la fin des années Quatre-Vingt. Il s’agit là d’une étape décisive dans la compréhension de l’inventaire de ce patrimoine mythique du paysage ferroviaire français.

Dans ce contexte, un inventaire de la Petite Ceinture présente le double intérêt de permettre de pérenniser la perception de la fonction ferroviaire de cette infrastructure, indépendamment de tout usage futur, et de revitaliser sa nature de cheminement continu inscrit dans le réseau plus vaste des transports et du patrimoine industriel franciliens.
Cet inventaire peut s’appuyer sur deux types de ressources : le patrimoine existant réalisations de la ligne, comme les ouvrages d’art et les bâtiments voyageurs, et les archives relatant les projets de transport ferroviaire étudiés depuis 1934 mais jamais réalisés. Cet inventaire peut également stimuler les réflexions sur de futurs projets de transports de voyageurs utilisant la Petite Ceinture.
Ces deux aspects de l’usage d’un inventaire : améliorer la connaissance du patrimoine ferroviaire de la Petite Ceinture et souligner l’intérêt de son utilisation dans le contexte actuel économique et environnemental, sont au cœur des préoccupations de l’Association pour la Sauvegarde de la Petite Ceinture de Paris et de son Réseau Ferré.

 Références bibliographiques

[Car1991] Bruno Carrière, « La Saga de la Petite Ceinture », éditions La Vie du Rail, ISBN 2-902 808-01-1.

[Baj2002] Émilie Bajolet, « Fabrique du lieu, l’aventure sociale d’une friche urbaine en milieu urbain, le cas de la Petite Ceinture de Paris ». Mémoire de DEA en ethnologie, GTMS-EHESS, 2002.