Consultation organisée par la Mairie du 18e arrondissement du 8 au 21 octobre 2015

, par Bruno Bretelle

La Mairie du 18e arrondissement de Paris a lancé une consultation au sujet de la Petite Ceinture ferroviaire, qui dure du 8 octobre au 21 octobre 2015 (c’est-à-dire seulement deux semaines), afin « de recueillir vos idées, vos propositions concernant l’usage et vos projets d’aménagement ». Nous analysons le rôle et le contexte de cette consultation, notamment par rapport au récit (« the narrative ») élaboré par la Ville de Paris depuis fin 2011.

 Bilan de la consultation le 6 novembre

La municipalité du 18e arrondissement organise une réunion d’échange « sur le bilan de la consultation citoyenne autour des usages et de la programmation de la Petite Ceinture ferroviaire ».

Cette réunion se déroulera « sous forme d’ateliers participatifs » le vendredi 6 novembre à 18h30 au centre social Belliard, situé 145 rue Belliard dans le 18e arrondissement.

 Présentation de la consultation

La Mairie du 18e arrondissement de Paris a lancé une consultation au sujet de la Petite Ceinture ferroviaire, qui dure du 8 octobre au 21 octobre 2015 (c’est-à-dire seulement deux semaines), afin « de recueillir vos idées, vos propositions concernant l’usage et vos projets d’aménagement ».

Cette consultation, selon le texte de présentation, est lancée dans le cadre des réflexions menées durant le second semestre 2015 par l’agence d’ingénierie culturelle ABCD sur la programmation relative à l’ouverture au public de nouvelles portions de la Petite Ceinture ferroviaire. Cette ouverture s’inscrit dans le protocole-cadre signé par la SNCF et la Ville de Paris en avril dernier. Elle concerne en l’occurrence la section reliant les anciennes stations du Boulevard Ornano (située à la porte de Clignancourt) et de l’Avenue de Saint-Ouen. Cette section, longue d’environ un kilomètre, comprend le tunnel de Saint-Ouen, long de 512 mètres.

L’objectif de cette consultation, tel qu’il est annoncé par la Mairie du 18e arrondissement, est « d’enrichir les propositions » concernant cette programmation. Curieusement, le texte de présentation de cette consultation omet de citer le bilan de la concertation menée fin 2012-début 2013 sur l’avenir de la Petite Ceinture ferroviaire par Réseau Ferré de France (aujourd’hui intégré à SNCF Réseau) et la Ville de Paris. Il omet également le bilan de la consultation menée début 2015 pour le budget participatif, tant sur les projets retenus que sur les projets non retenus, particulièrement ceux qui ont reçu le plus de suffrages. Chose étrange alors que de nombreuses idées concernant la Petite Ceinture ferroviaire ont été proposées à cette occasion (plus de 90 propositions selon notre recensement).

Plaquette de la consultation organisée par la Mairie du 18e en octobre 2015

 Démocratie participative versus le récit de la Ville

À quoi bon remettre le couvert alors ? Surtout que cette nouvelle consultation dure seulement deux semaines !

Une piste apparaît quand la Ville déclare aux éventuels participants que « la Petite Ceinture pourra traduire un lieu que vous avez marqué pour qu’il devienne un espace où il fait bon vivre, respirer et se rencontrer ». En effet, le choix des termes employés dans cette phrase n’est pas le fruit du hasard : il correspond au récit (« the narrative » comme disent les Anglo-Saxons) utilisé par Anne Hidalgo, l’APUR et plus généralement la Ville de Paris au sujet de la Petite Ceinture ferroviaire depuis novembre 2011. L’expression « poumon », déjà employée en novembre 2011, est par exemple reprise ici au moyen du verbe « respirer ».

Déjà, lors de la sélection des idées soumises par les Parisiens pour le vote du budget participatif 2015 qui a eu lieu en septembre dernier, le seul projet présenté et concernant la Petite Ceinture ferroviaire regroupe une cinquantaine d’idées sous le titre de « la reconquête de la Petite Ceinture ». Le descriptif de ce projet est le suivant : « Dans le cadre de la reconquête de la Petite Ceinture, ce projet propose de créer des aménagements légers et réversibles pour permettre des activités de loisirs, culturelles, sportives, d’agriculture urbaine, de promenade mais aussi d’implanter des buvettes ou des restaurants dans ce cadre unique de Paris, dans le respect de la biodiversité et de son patrimoine ferroviaire. »

Nous pouvons remarquer qu’aucune activité ferroviaire, comme la circulation de trains de découverte ou la présentation de matériel ferroviaire historique ou moderne, ne figure dans ce projet alors que son objet est une voie ferrée. Par ailleurs, aucune des idées soumises par les Parisiens en début d’année ne portait dans son titre le terme de « reconquête », mais plutôt des termes comme « réhabilitation », « reconversion » ou « exploitation ». Par contre, dès novembre 2011, la Ville de Paris a employé le terme « reconquête » dans la présentation de son projet pour la Petite Ceinture ferroviaire. En utilisant ce terme pour nommer le projet présenté au vote de septembre pour le budget participatif, la Ville de Paris a donc exploité les idées soumises par les Parisiens pour perpétuer le récit (« the narrative ») qu’elle porte depuis fin 2011. Avec la consultation qui vient d’être lancée, elle réitère l’opération.

Autrement dit, les objectifs à atteindre sont déjà décidés par la Ville avant que les Parisiens ne soient consultés. Il ne reste plus à ces derniers qu’à s’exprimer sur les modalités d’application d’une décision déjà prise par la Ville, dans le cadre de la « démocratie participative » organisée par cette dernière. Ainsi, toute sortie du cadre défini préalablement par elle est contenue. Particulièrement celle qui envisage la possibilité d’activités ferroviaires sur la ligne.

 La Nuit Blanche 2015

La Ville de Paris exprime une telle difficulté à évoquer l’avenir ferroviaire de la Petite Ceinture que lors de la dernière Nuit Blanche, organisée le 3 octobre 2015, présentée par son directeur artistique comme « une Nuit Blanche de conquête, de découverte de nouveaux territoires », la programmation organisée sur la section de la Petite Ceinture ferroviaire située entre la porte de Clignancourt et l’avenue de Saint-Ouen évoquait le « tunnel désaffecté de l’ancien chemin de fer de la Petite Ceinture » et « l’ancien chemin de fer de la Petite Ceinture ».

 La Petite Ceinture, une infrastructure publique

Pourtant, la Petite Ceinture ferroviaire, sur les 23 kilomètres situés au Sud, à l’Est et au Nord de Paris, appartient toujours au Réseau Ferré National. Depuis sa construction durant le Second Empire, elle appartient à l’État, aujourd’hui via la SNCF. Elle a donc toujours été un bien public et la Ville n’a donc jamais été propriétaire de la ligne. Par ailleurs, la Petite Ceinture ferroviaire fut construite pour une large part avant que les territoires qu’elle traverse ne soient rattachés en 1860 à Paris. Quant à l’aspect de « poumon vert » et de « corridor écologique » liés à la présence de végétation sur les talus de la Petite Ceinture ferroviaire, il en est de même des nombreuses lignes de chemin de fer qui connaissent une circulation intense.

 L’approche foncière de la Ville de Paris

Le récit (« the narrative »), défendu actuellement par la Ville de Paris au sujet de la Petite Ceinture ferroviaire, traduit une approche foncière de la ligne. Cette approche considère la Petite Ceinture comme une friche industrielle, dont l’inutilisation est la conséquence de la désindustrialisation et de la mondialisation. Elle suppose que la ligne est inutile pour répondre aux enjeux d’aujourd’hui et de demain concernant les transports. Elle y projette des usages qui concernent l’espace urbain en général, mais qui à Paris sont difficiles à mettre en œuvre par l’absence de foncier. Elle envisage donc la reconversion de la Petite Ceinture pour un usage non ferroviaire, dont l’expression emblématique fut pendant de nombreuses années « la coulée verte » continue sur les 23 kilomètres Sud, Est et Nord de la ligne. Mais le fait que la ligne a été construite pour tourner le dos à la Ville (près de la moitié de ces 23 kilomètres sont en tunnel ou dans des tranchées profondes encadrées par des tunnels), ces tunnels étant « non conformes aux normes de sécurité et peu propices à la promenade », notamment par la nécessité de disposer d’accès pompiers, a rendu caduque « la coulée verte ». Celle-ci a alors été remplacée par « le poumon vert », même si le terme « poumon », utilisé par les édiles d’une agglomération qui souffre chaque année de multiples épisodes de pic de pollution de l’air dus à la circulation routière, est inadapté pour un territoire non isolé du reste de cette agglomération.

 L’absence du STIF durant la concertation de 2013

Rappelons que durant la concertation menée fin 2012-début 2013 sur l’avenir de la Petite Ceinture ferroviaire, le Syndicat des Transports d’Île-de-France (STIF), l’autorité organisatrice des transports, pourtant initialement présentée comme partenaire de la concertation, fut pourtant absent. Interrogé par nos soins, celui-ci a précisé que sa présence n’avait pas été souhaitée par la Ville de Paris. Cet organisme, acteur incontournable des transports en Île-de-France, n’a pu s’exprimer que le 14 février par la voix de Monsieur Four. Et encore, celui-ci ne prit la parole qu’à titre de simple participant dans la salle, en regrettant cette situation. Sa position, favorable à la préservation du linéaire pour du transport ferroviaire sur la Petite Ceinture, n’est probablement pas étrangère à cette situation. Position confirmée depuis par la Région Île-de-France, dont dépend le STIF, qui se déclare favorable au maintien de la vocation ferroviaire de la Petite Ceinture, comme l’indique le Schéma Directeur de la Région Île-de-France 2030 publié en décembre 2013.

 Les faiblesses de l’approche foncière

Malgré le goût actuel de la Ville de Paris pour l’approche foncière, cette dernière possède deux faiblesses majeures dans un monde en transition énergétique et économique :

  • Elle suppose la stabilité du modèle actuel d’organisation des transports, marqué notamment par une forte dépendance au pétrole du transport routier, et par la même la stabilité du modèle énergétique et économique de ces quarante dernières années ;
  • Elle ignore les cygnes noirs, comme une crue centennale de la Seine, qui immobiliserait pendant plusieurs mois les sections de lignes de métro et de RER passant par le centre de Paris, rendant nécessaire d’exploiter les infrastructures non inondées, comme la Petite Ceinture ferroviaire, pour y faire circuler des trains de secours.
Train de découverte du 22 juin 2003 au droit de la station du Pont de Flandre

 Les trains de découverte, approche de consensus

La possibilité de faire rouler des trains de découverte sur la Petite Ceinture ferroviaire, pourtant compatible avec le protocole-cadre signé au printemps dernier par la SNCF et la Ville de Paris, fut écartée lors de la sélection des projets pour le vote organisé en septembre, au motif que « l’état du linéaire ferré actuel nécessite un diagnostic technique et une remise à niveau éventuelle indépendantes de la municipalité, ce qui ne permet pas d’envisager la réalisation de votre projet dans le cadre du budget participatif ». Cette proposition fut pourtant l’une de celles qui ont recueilli le plus grand nombre de soutiens et de commentaires. Elle vise à assurer une viabilité économique au maintien de la circulabilité de la Petite Ceinture ferroviaire durant la prochaine décennie. Une activité ferroviaire régulière permet d’apporter des recettes à la SNCF et à la Ville de Paris tout en valorisant l’histoire, le patrimoine et les paysages de la Petite Ceinture.Elle permet en outre d’assurer la disponibilité de la Petite Ceinture ferroviaire en cas de catastrophe, comme une crue centennale de la Seine, améliorant ainsi la résilience de la région Île-de-France.

Le projet de notre Association a pour objectifs principaux de permettre, grâce aux trains de découverte, de compléter les promenades dans les lieux où elles sont impossibles à réaliser, de renforcer le rôle social de la Petite Ceinture ferroviaire et de maintenir l’équilibre fragile entre ouverture au public et respect de la biodiversité. Il s’agit d’un projet de mixité des usages qui présente de nombreux atouts :

  • Le train est l’unique moyen de traverser les longues sections en tunnel et en tranchée profonde, aujourd’hui inaccessibles. Il favorise une découverte insolite de la géographie et de l’histoire de Paris, grâce au parcours d’une voie ferrée située hors des sentiers battus ;
  • La vitesse réduite adoptée, autour de 5 km/h, offre aux voyageurs le temps de découvrir les paysages traversés et d’écouter le commentaire historique et géographique tenu à bord ;
  • Le train facilite la découverte des actions locales, réalisées tant par les associations d’insertion qui entretiennent la Petite Ceinture ferroviaire depuis 2006 pour le compte de la SNCF, que les associations et Conseils de Quartier des quartiers traversés, et permet de développer des partenariats avec les écoles, les centres d’animation et les centres d’action sociale de la Ville de Paris ;
  • Le train garantit de découvrir la biodiversité présente aujourd’hui sur la Petite Ceinture ferroviaire sans la perturber, tout en offrant une fréquentation potentielle importante ;
  • Enfin, ce « train dans un jardin » renforce l’attractivité touristique de Paris.

 Soutenir l’avenir ferroviaire de la Petite Ceinture

Alors, pourquoi ne pas profiter de la consultation organisée par la Mairie du 18e pour insister auprès de la Ville sur l’intérêt de ces circulations de trains de découverte ? C’est le moment !

Page de la consultation d’octobre 2015 organisée par la Mairie du 18e sur Facebook