Lettre ouverte aux conseillers de Paris au sujet du protocole-cadre entre Réseau Ferré de France et la Ville de Paris concernant la Petite Ceinture ferroviaire

, par Association Sauvegarde Petite Ceinture (ASPCRF)

Paris, le 11 mai 2006.

Madame le Conseiller, Monsieur le Conseiller,

Lors de la session du Conseil de Paris des 15 et 16 mai 2006, vous serez amené à vous prononcer au sujet de la signature d’un protocole d’accord entre la Ville de Paris et Réseau Ferré de France (RFF) concernant le site de la Petite Ceinture ferroviaire de Paris (2006 DPJEV 73 : Autorisation à M. le Maire de Paris de signer un protocole-cadre avec Réseau Ferré de France (R.F.F.) concernant la Petite Ceinture à Paris).

Propriété de Réseau Ferré de France, cette infrastructure ferroviaire est actuellement, selon les tronçons, peu ou pas utilisée. Cette situation ne conduit toutefois pas son propriétaire à vouloir s’en séparer ; il affirme d’ailleurs vouloir préserver cette emprise pour des besoins de transport à moyen ou long terme, ce dont nous nous réjouissons. Notre association, fondée en 1992, milite en effet pour la préservation et la remise en service de cette ligne au trafic voyageurs.

La faible utilisation de la Petite Ceinture ferroviaire et son état apparent d’abandon ont incité la Ville de Paris a étudier la possibilité de la transformer en coulée verte réversible, l’idée étant de pouvoir la réaffecter à son activité d’origine dès qu’une décision en ce sens sera prise.

La position de la Ville de Paris dans ce dossier semble, à première vue, plutôt cohérente : certaines parties de l’emprise de cette ligne, notamment dans le 15e arrondissement, ne connaissent qu’une utilisation ferroviaire très restreinte, pourquoi ne pas alors transformer le site en jardin public, en attendant la reprise d’une activité ferroviaire dans 5, 10, 15 ans ou plus ?

Sur le papier, cette solution paraît un compromis acceptable. Toutefois, la possibilité concrète de remettre en service un transport ferroviaire sur la Petite Ceinture, après en avoir ouvert l’accès au public pendant de longues années pour un usage de promenade, pourrait s’avérer difficile.

En effet, si l’on prend en compte la situation actuelle (l’utilisation ferroviaire minimale du site sans aménagements), il apparaît d’ores et déjà que la reprise d’une activité ferroviaire se heurte à un certain nombre de résistances, notamment la crainte de nuisances de la part des riverains. L’affectation de la ligne à un usage public non ferroviaire, même provisoire, risquent de renforcer ces résistances : « Pourquoi donc remettre en fonction cette ligne alors qu’elle a été transformée en coulée verte ? » pourront protester certains riverains ou décideurs... Il va de soi que l’éventuelle suppression d’un espace de détente et de promenade liée à une reprise d’activités ferroviaires comporte le risque d’entraîner une forte opposition locale dans une agglomération où la demande en espaces verts exerce une forte pression sur les décideurs.

Sachant cela, n’est-il donc pas illusoire de parler d’aménagements « réversibles » ?

Notre association est convaincue que ces aménagements réversibles peuvent nuire gravement aux réflexions actuelles et futures sur la remise en service de cette infrastructure.

Cliché Jean-Emmanuel Terrier
Jardin de la rue Ernest Roche (17e arrondissement). Vue du jardin depuis la rue Pouchet. La plate-forme à double voie de la Petite Ceinture, prête pour faire circuler un tramway, cohabite avec le jardin.

Il nous paraît beaucoup plus pertinent de s’orienter vers un réaménagement définitif de certaines emprises situées le long de la Petite Ceinture ferroviaire, dans le cadre d’une mixité d’usage, comme cela a été fait l’année dernière dans le secteur Pouchet / Ernest Roche (17e arrondissement). Cette réalisation paysagère a permis de reconvertir une friche ferroviaire tout en préservant l’infrastructure ferroviaire à double voie de la Petite Ceinture et son utilisation ultérieure (l’emplacement de la deuxième voie ferrée étant maintenue), les deux usages (ferroviaires et jardins) étant clairement délimités par une clôture. C’est à notre point de vue une illustration particulièrement pertinente de l’affectation de ressources foncières devenues inutiles.

Nous souhaitons attirer votre attention sur l’intérêt de l’existence de la Petite Ceinture ferroviaire, complémentaire à la ligne de tramway T3 en cours de construction sur les boulevards des Maréchaux, ainsi qu’à la nécessité de ne pas prendre de décisions hâtives susceptibles de compromettre son usage futur pour du transport.

Rappelons que l’intérêt de la Petite Ceinture pour le transport francilien a été récemment rappelé par la Commission d’Enquête relative au Plan Local de l’Urbanisme, qui a émis un avis favorable au projet de PLU assorti de 3 réserves et 23 recommandations. La recommandation numéro 19 est relative à la Petite Ceinture ferroviaire :
« S’agissant du devenir de la Petite Ceinture, la commission d’enquête considère que les atouts de la Petite Ceinture permettent d’inscrire celle-ci, à terme, dans les futurs projets pour répondre aux besoins de transport périphériques et inter-banlieues. La ligne est l’un des maillons essentiels d’un dispositif régional cohérent visant à combler le déficit d’infrastructures de transport en commun en périphérie. Elle constitue une opportunité unique dans la mesure où l’emprise existe déjà. La vitesse élevée permet d’envisager des déplacements rapides (30 km/h), un nombre élevé d’usagers et un maillage avec les grandes radiales RER, tangentielles et Transilien.

Tout comme le représentant de l’Etat, la commission d’enquête considère que la Petite Ceinture relève du domaine public ferroviaire et il paraît donc plus cohérent de classer l’ensemble de la plate-forme de la Petite Ceinture ferroviaire en zone UGSU et de modifier l’article UGSU.3.4 en ce sens (sauf exceptions ponctuelles sur les seules parcelles qui auraient vocation à en sortir au fur et à mesure de leur déclassement). La commission d’enquête considère enfin que le transfert par l’Etat du STIF à la Région Ile-de-France et aux 8 départements parisiens, effectif depuis le 1er juillet 2005, devrait permettre à la Région, désormais majoritaire au sein du conseil d’administration du STIF (15 représentants sur 29) de mieux affirmer la vocation ferroviaire de la Petite Ceinture en planifiant un projet répondant aux besoins de transport périphériques et inter-banlieues et considère que cette emprise doit impérativement être préservée. »

Tout porte à croire que les circonstances économiques actuelles verront dans les prochaines décennies les transports en commun - et notamment ferroviaires - revenir en force sur le devant de la scène. Vous avez, en tant qu’élu-e, le pouvoir de planter dès aujourd’hui les jalons des besoins collectifs de demain.

Nous nous permettons de joindre à ce courriel notre récente contribution au Débat Public relatif à l’extension du tramway à Paris, sous forme d’un cahier d’acteur.

Par ailleurs, nous nous tenons à votre entière disposition pour vous fournir tout complément que vous jugeriez utile.

Nous vous remercions pour votre attention et vous prions d’agréer, Madame le Conseiller, Monsieur le Conseiller, l’expression de nos salutations distinguées.

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