La Petite Ceinture, réponse pertinente aux problèmes de saturation du T3 dénoncés par la Ville de Paris

, par Association Sauvegarde Petite Ceinture (ASPCRF)

Dans une récente réponse envoyée par Île-de-France Mobilités (IDFM) à Christophe Najdovski, Adjoint à la Mairie de Paris chargé des transports, de la voirie, des déplacements et de l’espace public, on apprend que ce dernier constate la saturation de la ligne T3a. Dans un tweet [1] publié le 13 janvier 2020, il indique donc avoir demandé par courrier du 23 septembre 2019 à IDFM « d’étudier des solutions, parmi lesquelles une amélioration de la fréquence du tram », ainsi que « la création d’une ligne de bus sur les Maréchaux » (voir ci-dessous).

Tweet de Christophe Najdovski du 13 janvier 2020

Courrier de réponse d’Île-de-France Mobilités (STIF) à Christophe Najdovski

 Réintroduire les bus sur les boulevards des Maréchaux

Cette déclaration n’a pas manqué de faire réagir notre Association. Pour mémoire, la décision de construire une ligne de tramway reliant les portes de Paris avait justement été prise afin de remplacer le bus PC, dont la vitesse commerciale (14,5 km/h en site propre sans priorité aux feux) et la capacité étaient plus que réduites. À titre indicatif, un bus Iveco Urbanway 18 à soufflet (introduit sur certaines lignes parisiennes en 2018) ne permet de transporter que 106 à 144 personnes maximum… sans parler de l’insertion de ces bus au sein d’un trafic automobile particulièrement dense en heures de pointe. Vouloir réintroduire un service de bus sur les Maréchaux pour soulager le T3 paraît donc hasardeux, d’autant que les très longs et coûteux travaux du tramway ont drastiquement réduit l’espace dédié aux automobiles – puisqu’il s’agissait là d’un des objectifs principaux de cette opération.

Bus Citelis sur la ligne PC1 de la RATP au terminus Porte de Champerret, Paris le 2 mars 2007
Crédit : Vincent BABILOTTE CC BY-SA

 Une ligne T3 aujourd’hui saturée sur toute sa longueur

Bien que très tardive, la reconnaissance de la saturation du T3 est un premier pas. Ce dernier a vu le jour à partir de 2003 sur les boulevards des Maréchaux sur une décision unilatérale de la Mairie de Paris (portée notamment par Monsieur Denis Baupin, adjoint aux transports du Maire de Paris, qui avait qualifié le T3 de projet de « requalification urbaine », et non de transport en commun). Et ce, alors que l’implantation du tram sur les boulevards des Maréchaux avait été rejeté à 91 % lors de l’enquête publique organisée en juin 2003].

Dans la pratique, les usagers ne peuvent que constater quotidiennement la saturation complète du T3 – aussi bien sur les sections au Sud (T3a) ainsi qu’au Nord et à l’Est (T3b) de la capitale. En heure de pointe, réussir à monter dans une rame aux stations les plus fréquentées relève de l’exploit. Par ailleurs, la décision d’implanter le tram au milieu de la circulation parisienne n’est pas sans conséquences : régulièrement, il est victime du non-respect des feux par certains automobilistes peu soucieux de la régularité des transports en commun.
Par ailleurs, la longueur des quais des stations du tram, la faible distance entre elles et le nombre de carrefours traversés – pour lesquels le tram n’a, hélas, pas la priorité absolue – empêchent d’accroître le nombre de rames, leur longueur (contrairement au T2, victime également de son succès), et de diminuer l’écart entre chaque rame.
Déjà en 2009, la Cour des Comptes elle-même pointait « la surestimation de la rentabilité socio-économique des projets de tramway » et relevait « la vitesse commerciale réelle, limitée à 16,5 km/h » du T3, « très inférieure à l’objectif, inaccessible, de 20 km/h ». Depuis la publication de ce rapport, la ligne T3 a toutefois vu s’ouvrir en 2012 la branche T3b (qui atteint aujourd’hui la Porte d’Asnières). On notera également l’explosion de la fréquentation de la ligne, atteignant en 2017 les 350 000 voyageurs par jour selon Île-de-France Mobilités (branches a et b confondues).

Autant de points qui s’avèrent particulièrement inquiétants alors que plusieurs centres d’activité majeurs – en construction ou déjà achevés – risquent encore d’accroître la saturation des réseaux existants, à l’instar de la ZAC Bercy-Charenton, prévue dans le 12e arrondissement, le quartier Paris-Rive-Gauche, le quartier Batignolles et la Cité Judiciaire, la Tour Triangle, la nouvelle zone d’activité située autour de la gare de Rosa Parks.

Le tram des Maréchaux (T3) de nuit
Crédit : Jean-Nicolas Lehec, tous droits réservés.

 La Petite Ceinture ferroviaire : une opportunité de transports unique à Paris

Face à ce constat pluriel, notre Association, qui milite depuis 27 ans pour la réouverture au trafic passager de la Petite Ceinture, réaffirme avec force la réelle nécessité de doter la Petite Ceinture d’un transport en commun ferroviaire moderne, capable de transporter un grand nombre de passagers d’une porte de Paris à une autre de manière rapide et fiable. Notre association rappelle également que la Petite Ceinture est une infrastructure ferroviaire en site propre, au gabarit double UIC, qui fait toujours partie du réseau ferré national et qui, de facto, n’est en aucun cas désaffectée. Longue de 32,5 km, cette ligne de chemin de fer offrirait donc à brève échéance un linéaire de 23 km directement exploitable pour le transport de passagers.

Située à proximité immédiate du T3, la Petite Ceinture ferroviaire de Paris permettrait de soulager efficacement le tram des Maréchaux. Sur certaines portions (au Sud de Paris notamment), la PC n’est située qu’à quelques mètres du tramway et offre une complémentarité parfaite. Dans d’autres cas, la Petite Ceinture permettrait de désenclaver certains quartiers où le manque de transports en commun continue de se faire sentir, à l’image du quartier des Buttes-Chaumont (19e arrondissement) ou de celui situé au Sud-Est du cimetière du Père-Lachaise, à l’emplacement de l’ancienne gare de Charonne (20e arrondissement).

La gare de Charonne
Crédit : Jean-Nicolas Lehec, tous droits réservés

À l’instar du RER A, qui a été conçu pour soulager la ligne 1 du métro (elle-même secondée par la ligne 14 depuis 1998 sur le tronçon Châtelet – Gare de Lyon), la Petite Ceinture permettrait de seconder efficacement le tram T3. Si ce dernier offre une desserte fine des quartiers qu’il traverse, la PC offrirait (enfin) un moyen de transport rapide et fiable entre les différentes portes de Paris. Grâce à son implantation en site propre, à l’abri des aléas de la circulation automobile, mais aussi grâce à l’écart raisonnable entre ses différentes gares, la Petite Ceinture permettrait ainsi aux Parisiens – et aux habitants de l’ensemble des communes de la petite couronne, que le tracé du Grand Paris Express semble avoir quelque peu délaissés – de bénéficier d’une solution de transport en commun alliant vitesse, confort et grande capacité. La Petite Ceinture offrirait également à la liaison circulaire une résilience qui lui fait aujourd’hui cruellement défaut.

Offrant de très nombreuses correspondances avec le métro et les bus parisiens, la Petite Ceinture présente aussi l’avantage unique d’être directement raccordée avec la plupart des grandes gares parisiennes. Un point qui trouve son origine dans la conception même de cette ligne de ceinture qui, rappelons-le, avait été conçue pour relier les réseaux des grandes compagnies ferroviaires de l’époque.
Alors que les réseaux de surface s’avèrent insuffisants (malgré la récente refonte du réseau des bus) et que les réseaux souterrains sont déjà saturés depuis de nombreuses années sur les axes Nord-Sud et Est-Ouest, un transport ferré rapide sur la Petite Ceinture offrirait également une solution aux Franciliens en leur évitant de devoir passer par le centre de Paris. Elle permettrait ainsi de corriger l’un des défauts de conception des transports parisiens, conçu suivant le schéma d’un réseau en étoile.

Loin de souhaiter la circulation de trains de fret de plusieurs centaines de tonnes à des heures indues, nous préconisons au contraire l’exploitation de la Petite Ceinture au moyen d’un matériel ferroviaire léger et fiable. À ce titre, la dernière version du Citadis d’Alstom (qui fait ses premiers tours de roues sur la ligne T9, conçue elle aussi pour remplacer la ligne 183 du bus…) ou les CAF Urbos peuvent être des matériels intéressants, tant pour leurs performances que pour leur silence de fonctionnement. Une telle utilisation de la Petite Ceinture s’avère d’ailleurs compatible avec certains des aménagements réalisés aux abords de la plateforme ferroviaire, offrant ainsi des espaces de verdure propices aux mobilités douces.

La première rame du T9 présentée par Alstom le 3 décembre 2019
Crédit : Roland De Coster pour Tram2000, tous droits réservés

La Petite Ceinture deviendrait ainsi la vitrine d’une mobilité urbaine innovante, alliant enfin vitesse, confort, silence et respect de l’environnement. Une solution que notre Association préconise depuis plusieurs décennies.

Mentionnons aussi l’opportunité représentée par le prolongement de la ligne T8 de Saint-Denis à la gare RER de Rosa Parks (19e arrondissement), qui offrirait la possibilité de créer une véritable rocade à l’Est et au Sud de Paris tout en reconnectant (enfin !) Paris et sa proche banlieue. Ce futur prolongement du T8 rappelle aussi l’importance primordiale de correspondances logiques et pratiques entre les différents réseaux de transport  : un point que nous détaillons de manière précise et argumentée dans les différentes propositions que nous avons remises en octobre dernier à Île-de-France Mobilités et que vous pouvez retrouver sur notre site.

 La Petite Ceinture ferroviaire de Paris : un transport ambitieux pour le XXIe siècle

Ainsi donc, Monsieur Christophe Najdovski partage notre constat – qui est aussi celui des usagers du T3 et des associations qui les représentent, mais également la Cour des Comptes : la ligne T3, de par sa conception même, arrive à saturation, et il est impératif de la seconder, à très brève échéance, par un réseau complémentaire. Toutefois, la solution préconisée par l’Adjoint au Maire changé des transports – d’avoir recours à des bus – s’avère particulièrement limitée… et manque à la fois cruellement d’ambition et de réalisme. Notre association réaffirme donc avec force la nécessité absolue de rétablir d’urgence un transport ferré destiné aux voyageurs sur la Petite Ceinture. Ce dernier répondrait ainsi à un quintuple objectif :

  • délester les lignes T3a et T3b ;
  • offrir à ces liaisons une résilience indispensable, grâce à une infrastructure ferroviaire totalement isolée de la circulation automobile ;
  • relier les portes de Paris de manière rapide et fiable, grâce à un matériel ferroviaire léger, performant et silencieux ;
  • consolider le réseau francilien en offrant une alternative supplémentaire aux réseaux existants, car ces derniers imposent trop souvent un passage obligé par le centre de la capitale ;
  • renforcer les transports parisiens en permettant un report modal efficace aux automobilistes qui empruntent actuellement le périphérique, que certains candidats à la Mairie de Paris veulent d’ailleurs supprimer.

Dans ces conditions, la Petite Ceinture ferroviaire de Paris s’impose naturellement, de par sa conception unique et toujours aussi pertinente, comme la véritable solution afin d’offrir aux Parisiens et Franciliens une réelle solution de transport à l’échelle de la métropole, capable de répondre directement aux besoins immédiats de celles et ceux qui ont recours quotidiennement aux transports en commun.

Les membres du Conseil d’Administration de l’association.

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