Histoire de la Petite Ceinture ferroviaire de Paris (II) : depuis 1934

, par Bruno Bretelle

« - Ce doit être une fille de la campagne.
« - A quoi vous voyez ça, m’sieu ?
« - Le décor.
« - Le décor ? ricana-t’il. Z’êtes de Paris, m’sieu ?
« - Plus ou moins.
« - Pas du 14e, en tout cas. Savez où elle a été prise, cette photo. Entre la rue des Arbustes et la villa des Camélias, sur la passerelle, derrière l’hôpital Broussais. Vous parlez que je connais le coin ! Je suis né rue Didot et j’habite impasse Omnibus.
« - Ah ! oui. Et ce chemin de fer, alors, ce serait l’ancienne ligne de Ceinture ?
« - Tout juste. C’est désaffecté, maintenant, comme on dit. Ca sert un peu à Citron, je crois. Des fois, le soir, assez tard, on voit passer des plates-formes avec des bagnoles dessus. Ca va des usines de Javel à la gare de Lyon, paraît-il. »

Extrait du roman « Les Rats de Montsouris », de Léo Malet, relatant les aventures du fameux détective privé Nestor Burma dans le 14e arrondissement au mileu des années Cinquante.

Une rame Standard en gare de Passy - La Muette.
En Gare de Passy - La Muette, une rame Standard se dirigeant vers Auteuil (juin 1976). Cliché : Alain Iliovici. Tous droits réservés.

Depuis sa fermeture en 1934, la Petite Ceinture n’a plus vu passer de voyageurs urbains, sauf sur la ligne d’Auteuil (Auteuil Boulogne-Pont Cardinet) qui a fonctionné jusqu’en 1985 avant d’être en partie raccordée à la ligne C du RER en 1988. La section Auteuil Boulogne-avenue Henri Martin est alors abandonnée. Les rails ont été déposés durant l’été 1993.

Plan de la Petite Ceinture en 1959.
Le viaduc d’Auteuil est neutralisée depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Cliquer pour agrandir.

Si le trafic voyageurs urbains disparaît en 1934 sur la majeure partie de la ligne, le trafic fret reste important sur les sections Est (Évangile-Bercy) et Sud (boulevard Masséna-boulevard Victor) jusque dans les années 1980, desservant les différentes gares marchandises jalonnant la ligne.

Ainsi, en 1948, « le trafic présente un double aspect. Il comporte un mouvement d’échanges entres les principaux points de contact des Régions (Batignolles, La Chapelle-Charbons, La Villette, Bel-Air, Bercy, Ivry et Grenelle-Marchandises) et les gares locales de la Petite Ceinture (Belleville-Villette, Paris-Bestiaux, Charonne, Gobelins et Glacière), et des manoeuvres dans les gares de l’Évangile, Belleville-Villette, Paris-Bestiaux, Charonne, La Rapée-Bercy, Gobelins et Glacière.
La vitesse maximum autorisée est de 60 km/h. La composition maximum admise pour les trains est de 40 wagons ce qui correspond à une tonnage de 800 t environ. Les gares ne peuvent recevoir des trains plus longs. […]

Actuellement, l’ensemble du service de la Petite Ceinture est effectué par machines Baldwin assurant une moyenne de 105 trains par jour […]. » [1]

Le trafic fret s’interrompt sur ces deux tronçons en 1993. Jusqu’à cette même année, des circulations de trains vides furent maintenues sur le tronçon Est entre les gares du Nord et de Lyon, ainsi que les allers-retours quotidiens des grands trains de nuit tel le Napoli Express.

À partir de la fin des années 1950, la Petite Ceinture voit disparaître une partie de son emprise avec la démolition des viaducs d’Auteuil (ouverture de franchissement de la Seine) et du Point du Jour (au milieu du boulevard Exelmans) , qui assuraient la liaison entre la gare d’Auteuil-Boulogne et le 15e arrondissement (via la Seine) au niveau de la gare de « Boulevard Victor » de la ligne C du RER. Le viaduc d’Auteuil a cédé la place au pont du Garigliano.

Passage du train La Flèche d’Or sur la Petite Ceinture entre les gares de Paris-Lyon et de Paris-Nord
Le 4 avril 1974, la tranche Rome-Calais Maritime destinée au rapide 401 La Flèche d’Or quitte Paris-Lyon et s’engage en direction de Paris-Nord derrière la BB 63950. Cliché : Michel Joindot. Tous droits réservés.

Les sections Est et Sud de la Petite Ceinture ne connaissent aucun trafic régulier depuis 1993. La section Nord (Évangile-Batignolles) est toujours ouverte au trafic, notamment pour des échanges de locomotives entre les réseaux des gares Saint-Lazare, du Nord et de l’Est. Le pont National, jonction entre les sections Est et Sud de la Petite Ceinture mais aussi entre les gares de Lyon et d’Austerlitz, est actuellement inutilisé en raison des travaux de la ZAC Paris Rive Gauche (sa remise en service est prévue une fois les travaux d’aménagement de ce quartier terminés).

Jusqu’à la Toussaint 2003, des circulations de trains spéciaux furent organisées par des associations, dont l’ASPCRF, sur les sections Nord, Est et Sud de la Petite Ceinture.

Autorail de type Caravelle dans la tranchée du parc des Buttes-Chaumont.
Dans la tranchée du parc des Buttes-Chaumont. Au fond, l’entrée du tunnel de Ménilmontant (1124 mètres de long). Cliché : Romain Mortelette. Tous droits réservés.

Aujourd’hui, malgré la réduction de son activité ferroviaire, la ligne subsiste en continu entre le boulevard Victor (15e) et la Porte de Clichy (17e). Les travaux de la ZAC Paris Rive Gauche occupent toutefois, mais provisoirement, les emprises de la Petite Ceinture au niveau du Boulevard Masséna, dans le 13e. Les habitants et les visiteurs des quartiers périphériques de Paris la connaissent souvent partiellement, comme une traversée de nature sauvage dans la capitale avec tantôt ses aspects verdoyants, tantôt ceux moins agréables d’un terrain vague. Mais, sur son parcours, on peut reconnaître les marques du patrimoine historique :

  • Ses gares souvent affectées à d’autres usages que le transport, comme le restaurant « La Gare » en gare de Passy-La Muette et le café-concert « La Flèche d’Or » en gare de Charonne ;
  • Ses ponts, comme le pont du canal de l’Ourcq, près du parc de la Villette ;
  • Ses longs tunnels, comme le tunnel de Belleville, long de 1124 mètres, le tunnel de Charonne, long de 1300 mètres et le tunnel de Montrouge, long de 904 mètres ;
  • Ses tranchées, comme les tranchées des parcs des Buttes Chaumont et de Montsouris.

Les ouvrages d’art - murs de soutènement des tranchées, tunnels et ponts - de la Petite Ceinture font l’objet d’une surveillance régulière de la part de RFF et de la SNCF, car ils renforcent le sous-sol parisien, notamment dans les zones d’anciennes carrières de clacaire ou de gypse que traverse la ligne.

Sur certaines sections, la plate-forme de la Petite Ceinture fait l’objet d’un entretien quotidien afin de contrôler la pousse de la végétation, de permettre de la circulation à tout moment d’engins ferroviaires et de la nettoyer des déchets jetés par des gens qui la considèrent à tort comme une décharge. Cet entretien est délégué par RFF et la SNCF à des associations d’insertion professionnelle et sociale.

Enfin, ses gares voyageurs, longtemps délaissées après que certaines aient été détruites entre les années Cinquante et Quatre-Vingt - il en reste dix-sept sur vingt-neuf - font l’objet d’un regain d’intérêt comme patrimoine industriel parisien. L’ASPCRF ne manque pas de participer à ce mouvement.

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 Documentation

La description d’une documentation sur l’histoire de la Petite Ceinture ferroviaire est disponible sur ce site

 Bibliographie

Notes

[1Utilisation des locomotives Baldwin sur la Petite Ceinture. Notre Métier (ancêtre de la Vie du Rail), page 3, n°134, 20 janvier 1948.